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— Vous ne dormez pas, Thérèse ?

Il venait de conférer chez Berthier d’Eyzelles avec ses collègues. Il voulait demander conseil sur certains points à sa femme, qu’il savait intelligente. Surtout il avait besoin d’entendre des paroles sincères.

— C’est fait, dit-il. Vous m’aiderez, chère amie, j’en suis sûr, dans une situation très enviée, mais aussi très difficile et même périlleuse, que je vous dois en partie, puisque j’y ai été porté surtout par l’influence puissante de votre père.

Il la consulta sur le choix d’un chef de cabinet.

Elle le conseilla de son mieux. Elle le trouvait sensé, calme, et pas plus sot que les autres.

Il s’enfonça dans des réflexions :

— Il faut que je défende devant le Sénat le budget tel qu’il a été voté par la Chambre. Ce budget renferme des innovations que je n’approuvais pas. Député, je les ai combattues. Ministre, je les soutiendrai. Je regardais les choses par le dehors. Vues du dedans, elles changent d’aspect. Et puis je ne suis plus libre.

Il soupira :

— Ah ! si l’on savait le peu que nous pouvons quand nous sommes au pouvoir !

Il lui fit part de ses impressions. Berthier se réservait. Les autres restaient impénétrables. Loyer seul se montrait excessivement autoritaire.