Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/376

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils venaient de sortir, quand Jacques Dechartre et Paul Vence entrèrent dans la loge.

— Je vous félicite, madame, dit Paul Vence.

Mais elle se tourna vers Dechartre :

— J’espère que vous ne venez pas me féliciter, vous…

Paul Vence lui demanda si elle allait s’installer dans les appartements du ministère.

Elle se récria :

— Ah ! non, par exemple !

— Du moins, madame, reprit Paul Vence, vous irez aux bals de l’Élysée et des ministères ; et nous admirerons par quel art vous y garderez votre charme mystérieux, comment vous y serez encore celle dont on rêve.

— Les changements de ministères, dit madame Martin, vous inspirent, monsieur Vence, des réflexions bien frivoles.

— Madame, reprit Paul Vence, je ne dirai pas, comme Renan, mon maître bien-aimé : « Qu’est-ce que cela fait à Sirius ? » parce qu’on me répondrait raisonnablement : « Que fait le gros Sirius à la petite terre ? » Mais je suis toujours un peu surpris de voir des personnes adultes et même vieilles se laisser abuser par l’illusion du pouvoir, comme si la faim, l’amour et la mort, toutes les nécessités ignobles ou sublimes de la vie, n’exerçaient pas sur la foule des hommes un