Et il reprit avec un soupir rude :
— Oui, comme à Joinville, puisque tout est à recommencer. Il y a deux jours que je vous guette. Hier il pleuvait : vous êtes sortie en voiture. J’aurais pu vous suivre, savoir où vous alliez. J’en avais bien envie. Je ne l’ai pas fait. Je ne veux pas faire ce qui vous déplairait.
Elle lui tendit la main.
— Je vous remercie. Je savais bien que je n’aurais pas à regretter la confiance que j’avais mise en vous.
Alarmée, impatiente, énervée, ayant peur de ce qu’il allait dire, elle essaya de rompre et de s’échapper.
— Adieu ! vous avez toute la vie devant vous. Vous êtes heureux. Sachez-le donc, et ne vous tourmentez plus pour ce qui n’en vaut pas la peine.
Mais il l’arrêta d’un regard. Son visage avait pris cette expression violente et résolue qu’elle connaissait.
— Je vous ai dit que j’avais à vous parler. Écoutez-moi une minute.
Elle songeait à Jacques, qui déjà l’attendait.
De rares passants la regardaient et suivaient leur chemin. Elle s’arrêta sous les branches noires d’un arbre de Judée, et attendit avec de la pitié et de la peur dans l’âme.