les nuées d’un orage d’été. Le plus mauvais temps de leur amour, ç’avait été lorsqu’ils étaient loin l’un de l’autre. Il ne faut jamais se quitter quand on s’aime.
À l’angle de l’avenue Marceau et de la rue Galilée, elle devina, plutôt qu’elle ne la reconnut, une ombre qui l’avait effleurée, une forme oubliée. Elle crut, elle voulut s’être trompée. Celui qu’elle avait pensé voir n’existait plus, n’avait jamais existé. C’était un fantôme vu dans les limbes d’un monde antérieur, dans les ténèbres d’une demi-vie. Et elle allait, gardant de cette rencontre indécise une impression de froid, de gêne vague, un serrement de cœur.
Comme elle montait l’avenue, elle vit dévaler vers elle les porteurs de journaux qui tenaient à bras tendus les feuilles du soir annonçant en grosses lettres le nouveau ministère.
Elle traversa la place de l’Étoile ; ses pas suivaient l’impatience de son désir. Elle voyait Jacques l’attendant au pied de l’escalier parmi les figures nues de marbre et de bronze, la prenant dans ses bras et la portant, déjà amortie et frémissante de baisers, jusqu’à cette chambre pleine d’ombre et de délices, où la douceur de vivre lui faisait oublier la vie.
Mais, dans la solitude de l’avenue Mac-Mahon, l’ombre déjà entrevue à l’angle de la rue Galilée