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Ces histoires de la licorne, dont la suite complète est à Cluny, mon père les a trouvées en 1851, dans une auberge de Meung-Sur-Yèvre.

Mais elle, curieuse et déçue :

— Je ne vois rien de vous, pas une statue, pas un bas-relief, pas une de ces cires si recherchées en Angleterre, pas une figurine, ni une plaque, ni une médaille.

— Si vous croyez que j’aurais plaisir à vivre au milieu de mes œuvres ! … Je les connais trop, mes figures… Elles m’ennuient. Ce qui n’a pas de secrets n’a pas de charmes.

Elle le regarda avec un dépit affecté.

— Vous ne m’aviez pas dit qu’on n’avait plus de charmes pour vous quand on n’avait plus de secrets.

Il lui prit la taille.

— Ah ! ce qui vit n’est que trop mystérieux. Et tu restes pour moi, ma bien-aimée, une énigme dont le sens inconnu contient les délices de la vie et les affres de la mort. Ne crains pas de te donner. Je te désirerai toujours, et je t’ignorerai toujours. Est-ce qu’on possède jamais ce qu’on aime ? Est-ce que les baisers, les caresses sont autre chose que l’effort d’un désespoir délicieux ? Quand je te tiens embrassée, je te cherche encore ; et je ne t’ai jamais, puisque je te veux toujours, puisque, en toi, je veux l’impossible et