Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion. Le droit n’est pas de nourrir la folie et les crimes du prince qui est élevé sur le royaume ou sur la république : et c’est pourquoi le juste ne paiera pas l’impôt ; et il ne donnera point d’argent aux publicains. Il jouira en paix du fruit de son travail, et il fera du pain avec le blé qu’il a semé, et il mangera les fruits des arbres qu’il a taillés.

— Ah ! monsieur Choulette, dit gravement le prince Albertinelli, vous avez bien raison de vous intéresser à l’état de nos malheureuses belles campagnes, que le fisc épuise. Quel fruit tirer d’un sol imposé à trente-trois pour cent du revenu net ? Le maître et les serviteurs sont la proie des publicains.

Dechartre et madame Martin furent frappés de la sincérité inattendue de son accent.

Il ajouta :

— J’aime le roi. Je réponds de mon loyalisme. Mais les maux des paysans me sont sensibles.

La vérité est qu’il poursuivait avec une souple obstination un but unique : rétablir le domaine rural de Casentino, que son père le prince Carlo, officier d’ordonnance de Victor-Emmanuel, avait laissé aux trois quarts dévoré par les usuriers. Sa mollesse affectée cachait son opiniâtreté. Il n’avait que des vices utiles et tendus vers l’in-