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autre femme. Mais Dechartre ne regardait que Thérèse. Il lui dit :

— C’est merveilleux comme la vive lumière du jour flatte votre beauté, vous aime et caresse la nacre fine de vos joues.

— Oui, dit-elle. La lumière des bougies me durcit les traits. Je l’avais remarqué. Je ne suis pas une femme de soir, malheureusement : c’est plutôt le soir que les femmes ont l’occasion de se montrer et de plaire. Le soir, la princesse Seniavine a un beau teint mat et doré ; au soleil, elle est jaune comme un citron. Il faut avouer qu’elle ne s’en inquiète guère. Elle n’est pas coquette.

— Et vous l’êtes ?

— Oh ! oui. Autrefois je l’étais pour moi, maintenant je le suis pour vous.

Elle regardait encore la Sabine qui, des bras et des reins, grande, longue et robuste, s’efforçait d’échapper à l’étreinte du Romain.

— Est-ce qu’il faut qu’une femme, pour être belle, ait cette sécheresse de forme et cette longueur de membres ? Je ne suis pas comme cela, moi.

Il prit soin de la rassurer. Mais elle n’était pas inquiète. Elle regardait maintenant le petit château du glacier ambulant dont les cuivres reluisaient sur une nappe de coton écarlate. Une envie subite lui était venue de manger une glace,