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dans les villes, nous nous tiendrons avec un luth sur la place publique, le jour du marché. Les bonnes gens s’approcheront de nous, et nous leur dirons : « Nous sommes les jongleurs du bon Dieu, et nous allons vous chanter un lai. Si vous en êtes contents, vous nous donnerez une récompense. » Ils s’y engageront. Et quand nous aurons chanté, nous leur rappellerons leur promesse. Nous leur dirons : « Vous nous devez une récompense. Et celle que nous vous demandons, c’est que vous vous aimiez les uns les autres. » Sans doute que, pour tenir leur parole et ne pas faire de tort aux pauvres jongleurs de Dieu, ils éviteront de nuire à autrui.

Madame Martin trouvait que saint François était le plus aimable des saints.

— Son œuvre, reprit Choulette, fut détruite alors qu’il vivait encore. Pourtant il mourut heureux, parce qu’en lui était la joie avec l’humilité. Il était en effet le doux chanteur de Dieu. Et il convient qu’un autre pauvre poète reprenne sa tâche et enseigne au monde la vraie religion et la vraie joie. Ce sera moi, madame, si toutefois je puis dépouiller la raison avec l’orgueil. Car toute beauté morale est accomplie en ce monde par cette sagesse inconcevable qui vient de Dieu et ressemble à la folie.

— Je ne vous découragerai pas, monsieur