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Madame Martin demanda ce que c’était qu’une flexion.

— Oh ! madame, si je vous donne des éclaircissements, nous allons tout embrouiller. Qu’il vous suffise de savoir que, dans ce mémoire, le pauvre Marmet citait des textes latins et les citait tout de travers. Or, Schmoll est un latiniste de grande valeur et, après Mommsen, le premier épigraphiste du monde.

» Il reprocha à son jeune confrère (Marmet n’avait pas cinquante ans) de lire trop bien l’étrusque et pas assez bien le latin. Depuis lors, Marmet n’eut plus de repos. À chaque séance, il était persiflé avec une férocité joyeuse et bafoué de telle sorte que, malgré sa douceur, il se fâcha. Schmoll est sans rancune. C’est une vertu de sa race. Il n’en veut pas à ceux qu’il persécute. Un jour, montant l’escalier de l’Institut, en compagnie de Renan et d’Oppert, il rencontra Marmet et lui tendit la main. Marmet refusa de la prendre et dit : « Je ne vous connais pas. — Me prenez-vous pour une inscription latine ? » répliqua Schmoll. C’est un peu de ce mot-là que le pauvre Marmet est mort et enterré. Vous comprenez maintenant que sa veuve, qui garde pieusement son souvenir, voie son ennemi d’un œil d’horreur.

— Et moi qui les ai fait dîner ensemble, l’un à côté de l’autre, tout contre !