soin de se parer chaque jour, sans méditer la grande leçon qu’elle donne aux artistes. Elle s’habille et se coiffe pour peu d’heures, et c’est un soin qui n’est pas perdu. Nous devons, comme elle, orner la vie sans penser à l’avenir. Peindre, sculpter, écrire pour la postérité n’est que la sottise de l’orgueil.
— Monsieur Dechartre, demanda le prince Albertinelli, que dites-vous, pour miss Bell, d’un peignoir mauve semé de fleurs d’argent ?
— Moi, dit Choulette, je pense si peu à l’avenir terrestre que j’ai écrit mes plus beaux poèmes sur des feuilles de papier à cigarettes. Elles se sont facilement évanouies, ne laissant à mes vers qu’une espèce d’existence métaphysique.
C’était un air de négligence qu’il se donnait. En fait, il n’avait jamais perdu une ligne de son écriture. Dechartre était plus sincère. Il n’avait point envie de se survivre. Miss Bell l’en blâma.
— Monsieur Dechartre, pour que la vie soit grande et pleine, il faut y mettre le passé et l’avenir. Nos œuvres de poésie et d’art, il faut les accomplir en l’honneur des morts, et dans la pensée de ceux qui naîtront. Et nous participerons ainsi de ce qui fut, de ce qui est et de ce qui sera. Vous ne voulez pas être immortel,