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de cet art du xve siècle, qu’on dit chrétien. Je n’ai vu de piété et de pureté que dans les images, pourtant bien jolies, de Fra Angelico. Le reste, ces figures de vierges et d’anges, sont voluptueuses, caressantes, et parfois d’une ingénuité perverse. Qu’ont-ils de religieux, ces jeunes rois mages, beaux comme des femmes, ce saint Sébastien, brillant de jeunesse, qui est comme le Bacchus douloureux du christianisme ?

Dechartre lui répondit qu’il pensait de même et qu’il fallait bien qu’ils eussent raison, elle et lui, puisque Savonarole était de leur avis, et que, ne trouvant de piété à aucun ouvrage d’art, il voulait les brûler tous.

— On voyait déjà, dit-il, à Florence, au temps de ce superbe Manfred, à demi musulman, des hommes qu’on disait de la secte d’Épicure et qui cherchaient des arguments contre l’existence de Dieu. Le beau Guido Cavalcanti méprisait les ignorants qui croyaient à l’âme immortelle. On citait de lui ce mot : « La mort des hommes est toute semblable à celle des bêtes. » Plus tard, quand l’antique beauté sortit des tombeaux, le ciel chrétien parut triste. Les peintres qui travaillaient dans les églises et dans les cloîtres n’étaient ni dévots, ni chastes. Le Pérugin était athée, et ne s’en cachait pas.

— Oui, dit miss Bell, mais on disait qu’il