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tuellement d’une inscription funéraire que j’ai publiée et illustrée le premier. L’année dernière, un jour que je dînais chez vous, me trouvant placé à table à côté de mademoiselle Bell, je lui citai cette phrase qui lui plut beaucoup. À sa demande, dès le lendemain, je traduisis en français l’inscription tout entière et je la lui envoyai. Et voilà que je la trouve tronquée et dénaturée, dans ce volume de vers, avec ce titre : Sur la voie sacrée !… La voie sacrée, c’est moi !

Et il répéta, dans sa mauvaise humeur bouffonne :

— C’est moi, madame, la voie sacrée.

Il était contrarié que le poète n’eût pas parlé de lui à propos de cette inscription. Il aurait voulu lire son nom en tête de la pièce, dans les vers, à la rime. Il voulait toujours voir son nom partout. Et il le cherchait dans les journaux dont ses poches étaient bourrées. Mais il n’avait pas de rancune. Il n’en voulait pas à Miss Bell. Il convint de bonne grâce que c’était une personne très distinguée et la poétesse qui faisait aujourd’hui le plus d’honneur à l’Angleterre.

Quand il fut parti, la comtesse Martin demanda très ingénument à M. Paul Vence s’il savait pourquoi la bonne madame Marmet, bienveillante d’ordinaire, avait regardé M. Schmoll avec tant de colère et de silence. Il était surpris qu’elle ne sût pas.

— Je ne sais jamais rien.