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l’Anthologie. M. Schmoll était amateur des poètes et des femmes, et il avait de l’esprit.

Madame Marmet feignit de ne pas le connaître et sortit sans lui rendre son salut.

Quand il eut épuisé ses madrigaux, M. Schmoll devint sombre et pitoyable. Il gémit abondamment. Il poussa sur lui-même des plaintes aiguës ; il n’était ni assez décoré, ni assez pourvu de sinécures, ni suffisamment logé aux frais de l’État, lui, madame Schmoll et leurs cinq filles. Il se lamenta avec quelque grandeur. Un peu de l’âme d’Ézéchiel et de Jérémie était en lui.

Par malheur, traînant au ras de la table ses yeux lunettés d’or, il découvrit le livre de Vivian Bell.

— Ah ! Yseult la Blonde, s’écria-t-il amèrement : vous lisez ce livre, madame. Eh bien, sachez que mademoiselle Vivian Bell m’a volé une inscription, et que, de plus, elle l’a altérée en la mettant en vers ! Vous la trouverez à la page 109 du livre :

— Ne pleure pas, toi que j’aimais :
Ce qui n’est plus ne fut jamais.
— Laisse couler ma douleur sombre ;
Une ombre peut pleurer une ombre.

Vous entendez, madame : Une ombre peut pleurer une ombre. Eh bien ! Ces mots sont traduits tex-