Sous les tilleuls, surpris, ils regagnaient la ville,
Nul n’avait souci d’eux dans la foule servile,
Et souvent ils pleuraient, se sentant trop heureux.
Ils comprirent que vivre était mauvais pour eux.
Or, dans cette prairie où, déchirés de joie,
Ils étaient l’orme vert et la vigne qui ploie,
Et tordaient sous le ciel leur rameau gémissant,
S’élevait une plante étrange, aux fleurs de sang,
Qui dardait son feuillage en pâles fers de lance.
Les bergers la nommaient la Plante du silence.
Et Gemma le savait, que le sommeil divin
Et l’éternel repos et le rêve sans fin
Viendraient de cette plante à qui l’aurait mordue.
Un jour qu’elle riait sous l’arbuste étendue,
Elle en mit une feuille aux lèvres de l’ami.
Quand il fut dans la joie à jamais endormi,
Elle mordit aussi la feuille bien-aimée.
Aux pieds de son amant elle tomba pâmée.
Les colombes au soir sur eux vinrent gémir,
Et rien plus ne troubla leur amoureux dormir.
— Cela est bien joli, dit Choulette, et d’une Italie doucement voilée des brumes de Thulé !
— Oui, reprit la comtesse Martin, cela est joli. Mais pourquoi, chère Vivian, vos deux beaux innocents voulaient-ils mourir ?
— Oh ! Darling, parce qu’ils se sentaient aussi heureux que possible, et qu’ils ne désiraient plus rien. C’était désespérant, darling, désespérant. Comment ne comprenez-vous pas cela ?