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se révélait. Choulette était paperassier sans vouloir le paraître. Il s’assura qu’il n’avait perdu ni les bouts de papier sur lesquels il notait au café ses idées de poèmes, ni la douzaine de lettres flatteuses que, salies, tachées, coupées à tous les plis, il portait sur lui constamment, prêt à les lire à des compagnons de rencontre, la nuit, sous les becs de gaz. Ayant reconnu qu’il ne lui manquait rien, il ôta du portefeuille une lettre pliée dans une enveloppe ouverte. Longtemps il l’agita dans sa main avec un air d’impudence mystérieuse, puis il la tendit à la comtesse Martin. C’était une lettre de présentation que la marquise de Rieu lui avait donnée pour une princesse de la maison de France, une très proche parente du comte de Chambord, qui, veuve et vieille, vivait retirée aux portes de Florence. Ayant joui de l’effet qu’il pensait produire, il dit qu’il verrait peut-être cette princesse ; que c’était une bonne personne, et pieuse.

— Une vraie grande dame, ajouta-t-il, et qui ne montre pas sa magnificence par des robes et des chapeaux. Elle porte ses chemises six semaines et quelquefois davantage. Les gentilhommes de sa suite lui ont vu des bas blancs, très sales, qui lui tombaient sur les talons. Les vertus des grandes reines d’Espagne revi-