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impatiences et ses brusqueries, mais elle riait si joliment ! Nous faisions bon ménage tous les trois, et j’avais arrangé dans ma tête qu’il ne viendrait jamais que moi dans la chambre aux magots. La dame en blanc, à qui je fis part de cette décision, se moqua bien un peu de moi, à ce qu’il me sembla ; mais j’insistai et elle me promit tout ce que je voulus.

Elle promit. Un jour pourtant, je trouvai un monsieur assis dans mon canapé, les pieds sur mon tapis et causant avec mes dames d’un air satisfait. Il leur donna même une lettre qu’elles lui rendirent après l’avoir lue. Cela me déplut, et je demandai de l’eau sucrée parce que j’avais soif et aussi pour qu’on fît attention à moi. En effet, le monsieur me regarda.

— C’est un petit voisin, dit la dame en noir.

— Sa mère n’a que celui-là, n’est-il pas vrai ? reprit le monsieur.

— Il est vrai, dit la dame en blanc. Mais qu’est-ce qui vous a fait croire cela ?

— C’est qu’il a l’air d’un enfant gâté, reprit le monsieur. Il est indiscret et curieux.