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devait bien connaître. Elle répondit, en secouant la tête, qu’il n’y avait plus de Nozière. Pourtant, elle voulut bien m’apprêter à souper. Elle jeta un fagot dans l’âtre et sortit.

J’étais triste et las, et tourmenté d’une angoisse indicible. Des images sombres et violentes venaient m’assaillir. Je m’assoupis un moment ; mais, dans mon demi-sommeil, je continuai d’entendre dans la trémie les gémissements du vent dont les rafales soulevaient sur mes bottes les cendres du foyer.

Quand, au bout de quelques minutes, je rouvris les yeux, je vis ce que je n’oublierai jamais, je vis distinctement, au fond de la chambre, sur le mur blanchi à la chaux, une ombre immobile ; c’était l’ombre d’une jeune fille. Le profil en était si doux, si pur et si charmant, que je sentis, en le voyant, toute ma fatigue et toute ma tristesse se fondre en un sentiment délicieux d’admiration.

Je la contemplai, ce me semble, pendant une minute ; il se peut toutefois que mon ravissement ait été plus ou moins long, car je n’ai aucun moyen d’en estimer la véritable durée. Je tournai ensuite la tête pour voir celle qui