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vertie une nouvelle abjuration. Scarron put bien être pris d’une quinte de piété. Si quelques-uns de ses amis sentaient le fagot, quant à lui, qui risqua de mourir de faim pour avoir médit du cardinal, il n’était ni assez riche ni assez vaillant pour se brouiller avec le ciel.

Ce ménage d’une fille belle comme le jour et d’un tronçon de poète burlesque s’établit rue de la Tixan-drie, dans une maison voisine de la poterne qui ouvrait l’étroite rue des Deux-Portes. Cette maison, qui appartenait à un sieur Bussine, était neuve, avec une façade de pierre et de brique. Les époux Scarron occupaient le second étage, élevé de vingt-quatre marches au-dessus de la chaussée. Le logis se composait de deux chambres donnant sur la rue et séparées par l’escalier. A droite logeait le poète ; sa femme a gauche. Sur la petite cour, étaient la cuisine et la chambre de Mangin, factotum du logis, valet de chambre, laquais et secrétaire, peste du ménage. Ce Mangin, par son flegme, eût fait jurer un chartreux. Jugez s’il fit jurer son maître qui n’était pas moine et qui, au besoin, rimait richement à Dieu.

Le maître de céans, qui était à lui seul tout un hôpital, voyait de ses fenêtres l’hôpital Saint-Gervais, quand, juché sur sa longue chaise grise, il écrivait, sur la planchette qui lui servait de table, un chant de son Virgile travesti ou un chapitre de son Roman comique. Les meubles étaient assez magnifiques ; car il se récréait la vue comme le palais et recherchait toutes les voluptés à son usage. Il aimait les tableaux et en possédait de beaux, notamment une