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l’enregistrement demandé. Il était humilié et furieux. Régler le sort des réformés, assurer des franchises aux Parisiens, faire des remontrances au roi, tels étaient les soins dignes du Sénat lutécien, mais régler une réunion de quarante beaux esprits, fi donc ! Était-ce pour une semblable bagatelle qu’on portait l’hermine à l’épaule ? Le cardinal était un Domitien, et le conseiller Scarron le disait à tout venant : « Cela, s’écriait-il, rappelle un empereur qui, après avoir ôté au Sénat la connaissance des affaires publiques, l’avait consulté sur la sauce à laquelle devait être accommodé un grand turbot qu’on lui avait envoyé de bien loin. »

Pendant qu’il s’échauffait ainsi, les enfants de la pauvre Gabrielle Goguet, devenus grands, faisaient fort mauvais ménage avec leur marâtre, qui les querellait sans cesse, ayant l’esprit fort inventif en fait de chicanes. Certes, petits et grands eussent pu vivre à l’aise dans la maison du conseiller, où vingt mille livres venaient annuellement entretenir la provende. Mais dame de Plaix ne pouvait voir sans fureur les enfants de l’autre partager le potage avec les siens.

Paul, garçonnet de bonne et belle humeur et de cœur généreux, souffrait fort au logis. Un grain de folie qu’il avait dans la tête l’eût fait le plus agréable compagnon du monde s’il eût été aimé ; il ne l’était point, et il avait trop d’esprit pour ne déplaire qu’à demi à dame de Plaix. Si riche d’amour qu’il fût naturellement, il n’en eut point pour la femme qui remplaçait si mal sa mère. Et, devenu un homme, bien que peu soucieux de son bien, il remarqua toutefois avec déplaisir que