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Je suis heureux d’avoir été malade. J’ai retrouvé tantôt cette pensée exprimée avec une force bien douce par un grand écrivain qui eut ses âpretés et ses rigueurs, mais aussi ses chaudes effusions, et qui sentit bien profondément, lui aussi, l’amour dans le mariage. Michelet, malade à Nervi, écrivait dans des pages récemment publiées par sa veuve

« J’ai soupçonné toujours que ce qu’on nomme maladie ou dérangement des fonctions, cela même est une fonction. La maladie apporte avec elle bien des sentiments, des idées, qu’on n’eût jamais eus en santé ; elle nous fait mieux voir bien des choses que l’entraînement de la vie, le cours rapide de l’action et l’éblouissement où elle nous jette nous empêchaient de distinguer*. »

Oui, nous devons à nos infirmités et à nos misères ce qu’il y a de meilleur dans la vie, le besoin d’aimer. Je me rappellerai toujours cette parole d’un grand vieux médecin : « Il n’y a de bon dans l’homme que sa faiblesse. »

« Ah ! la belle et bonne chose qu’un amour honnête ! Je vois tout sous un jour nouveau. Comme je vais travailler pour que ma chère petite femme soit fière de moi ! A présent, il me faut un nom pour elle. Le temps des chansons en l’air est passé. Je sens que je peux faire des œuvres sérieusement belles, et je les ferai. Je lui dois cela pour la remercier de m’avoir régénéré… »

Après deux lettres qui témoignent d’une bonne

1. Le Banquet.