Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée


Celui-là devait vivre. Il était réservé à une bien étrange destinée.

Gabrielle Goguet accoucha d’un dernier enfant, voué comme sa mère à l’ange de l’Annonciation, puis la pauvre femme perdit cette vie qu’elle avait donnée huit fois. Elle mourut le 10 septembre 1613. Son corps fut porté le lendemain à l’église Saint-Sulpicc.

La place de la morte au lit et à la table resta vide pendant trois ans. Puis, le 2 avril 1618, le conseiller Scarron épousa en secondes noces Françoise de Piaix, qui lui donna une Fille, nommée Marie en souvenir de l’aînée du premier lit qui était morte, puis deux autres filies, Madeleine et Claude.

Le bonhomme n’était pas satisfait du tour que prenaient les affaires publiques. Son humeur raisonnante, qui ne pouvait plus sortir, Fétouffait. Le cardinal de Richelieu traitait messieurs les parlementaires avec une impitoyable ridesse et les rendait incapables de tout mal, comme de tout bien. A leur première velléité de résistance, il les manda en corps au Louvre et les fit tenir à genoux, pendant qu’un secrétaire lacérait un de leurs arrêts et inscrivait sur leur propre registre un arrêt de censure contre eux. Le Parlement ainsi humilié devint plus soumis. Mais une flamme de liberté brûlait en dedans, et les collègues de Scarron ne manquaient aucune occasion de déplaire au cardinal.

C’est ainsi que pendant dix-huit mois le Parlement refusa d’enregistrer les lettres patentes qui établissaient l’Académie française. Le conseiller Scarron s’opposa pour sa part, avec beaucoup d’indignation, à