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droyante : « Qu’est-ce que Monselet pensera de vous ? » Dans une lettre où Glatigny raconte avec gaieté les souffrances et les mauvais traitements qu’il a endurés, il ajoute : « Ma pauvre petite chienne a reçu un coup de pied dans le ventre qui a failli la tuer. Pour le coup j’ai pleuré. » Les circonstances dans lesquelles Cosette fut traitée avec cette brutalité sont singulières et méritent d’être rappelées.

Le Ier janvier 1869, après bien des aventures de grand chemin, Glatigny, qui se trouvait alors à Bo-cagnano, en Corse, fut arrêté par un gendarme et mis au cachot, où il resta enfermé quatre jours sous l’inculpation d’avoir assassiné un magistrat. Le gendarme, doué d’une imbécillité audacieuse, l’avait pris pour Jud,qu’on cherchait partout et qu’on ne trouva nulle part. Le gendarme de Bocagnano était comme les chiens de garde : il n’aimait pas les gens mal habillés, et ses soupçons s’éveillèrent au seul aspect des braies et de la veste délabrées du poète-comédien. C’est du moins ce que révèle le procès-verbal d’arrestation, pièce notoire dans laquelle on lit des phrases comme celle-ci : « Nous avons remarqué cet individu, dont son aspect nous a paru fugitif. » Mais ce qui est plus incroyable et tout aussi vrai, c’est qu’il se trouva un un juge suppléant pour écouter cette mâle éloquence, répondre ce seul mot : « Effectivement » à toutes les lumineuses observations de la gendarmerie et faire mettre l’inculpé dans un cachot, d’où M. le procureur impérial le fit sortir, comme on pense bien, en toute hâte.

Glatigny montra en cette circonstance beaucoup