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combles, pêle-mêle avec les buffets vermoulus, les tableaux sans cadre et les vieux fauteuils hors d’usage. C’était la malle du Pauvre Mitre’. » Jean-des-Figues l’ouvrit et y trouva diverses choses, telles que gants, pantoufles et portraits de femme, pipe turque et lettres d’amour, qui firent de lui, pour le reste de ses jours, un fou et un poète. Albert Glatigny fit dans le grenier du gendarme une de ces trouvailles qui, comme la lampe merveilleuse d’Aladin et la malle du cousin Mitre, prédestinent celui qui les découvre à une destinée singulière. Albert Glatigny trouva, au milieu des vieilles caisses, un livre, et ce livre n’était pas, comme on pourrait le croire, le double ou le triple Liégeois, le Messager boiteux, l’Histoire d’Estelle et de Némorin, la Clé des songes, les Quatre fils Aymon, la Cuisinière de la ville et de la campagne, la Biographie du général Cavai-gnac, l’Invention de la vraie Croix, livres à l’usage des bons villageois ; c’était un tome dépareillé des Œuvres de messire Pierre de Ronsard, gentilhomme vendomois. Cet illustre bouquin, sorti en ifôodes presses de Gabriel Buon, dormait là dans la poussière, après trois siècles d’injure et d’oubli, dans un silence troublé seulement par les grignotements des rats et les miaulements des chats. Le jeune Albert Glatigny ouvrit le livre, et, chose merveilleuse ! il comprit ce vieux et fier langage, ce beau parler latin, ces façons galantes, ces bravoures de rythme, ces images antiques, ces figures de dames et de dieux, toute cette lyre enfin qui sonna si haut sur la France des Valois. Ce garçon de village,

i. Paul Arène. La Gueuse parfumée, page 23.