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et tout ce qui suit. Rien n’est plus doux ni plus sage. La troisième Consolation, consacrée au souvenir des humbles ancêtres, est aussi d’un ton pur et grave. En somme, le livre est excellent. Il fut composé, c’est l’auteur qui nous l’apprend, sous d’heureuses influences. Saint-Beuve aimait alors. Il écrivit de Paris, le 18 décembre 1831, à l’abbé Barbe, son ami d’enfance, qu’il respectait jusqu’à le craindre :

« J’ai eu bien des douleurs dans ces derniers mois, de ces douleurs qu’on évite en gardant le port de bonne heure. La passion que je n’avais qu’entrevue et désirée, je l’ai sentie ; elle dure, elle est fixée, et cela a jeté dans ma vie bien des nécessités, des amertumes mêlées de douceur, et un devoir de sacrifice qui aura son bon effet, mais qui coûte bien à notre nature1. »

Plus tard, sur le déclin, il se plaisait à rappeler les six mois célestes de sa vie qui lui firent faire les Consolations.

Ses mois étaient d’ordinaire plus terrestres. Puisque certaines faiblesses tinrent tant de place dans sa vie et dans son œuvre, il faut bien effleurer ce point délicat.

Il nous parle, non sans grâce, de ses premières amours, de ses Béatrices de Boulogne-sur-Mer. N’eus-je pas, dit-il,

1. Les jeunes années de Sainte-Beuve. — M. François Morand, auteur de ce très curieux livre, pique, à l’endroit que je détache, la note que voici : « Cette passion n’est pas restée tout à fait un mystère dans la vie de Sainte-Beuve à cette époque. Mais il n’y avait pas l’aveu. » L’aveu écrit et publié, s’entend. Les confidences abondaient.