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munier et d’épouser. Son mariage mystique dans le sanctuaire de la rue Notre-Dame-des-Champs, près duquel il avait sa cellule, est un des phénomènes psychologiques les plus curieux. La dédicace des Consolations est une oraison jaculatoire dont on ne peut comprendre aujourd’hui le sens et la portée. J’imagine que, tout attaché qu’il fût alors à l’auteur de Cromwell, Sainte-Beuve était heureux par-dessus tout d’alam-biquer des tendresses dans le style de sainte Thérèse ou de sainte Catherine de Sienne. Dans le fait, il n’imita pas ce maître tant vénéré. Il ne donna jamais dans le flamboyant et se garda comme de la peste de toute la défroque du moyen âge romantique. Les Consolations sont des élégies intimes ; une conversation, une promenade, une lecture, ou quelque autre incident domestique fait le fonds de ces petits poèmes d’une inspiration douce et assez pure, malgré des pointes de mysticisme sensuel. On y trouve un goût de piété bien contraire à la véritable piété.

La religion est, pour lui, un assaisonnement qui donne à la volupté plus de saveur. Qu’on me permette de répéter ici, très à propos, ce que j’ai écrit ailleurs : « Quand M. de Saint-Cyran disait, dans la maison où tout appuyait ses paroles, que Virgile s’était damné pour avoir écrit ses beaux vers, il devait, aux yeux d’un écolier sensible, répandre sur l’ombre de Didon un charme mélancolique et délicieux. La religion offre aux âmes voluptueuses une volupté de plus : la ¦volupté de se perdre. » Chateaubriand savait tout le prix que le remords ajoute au plaisir, lui qui peignit si amoureusement les souvenirs pénitents et délicieux