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de se rappeler parfois ce chef-d’œuvre de la poésie intime :

Toujours je la connus pensive et sérieuse.

Ce qui est encore très intime, mais non plus très anglais, c’est le goût de Sainte-Beuve et son art de peindre chez les femmes le désir sans la passion, la grâce lascive, mais qui est une grâce encore, et la volupté qui monte à fleur de peau. Je songe moins ici à Rose et à « ses cheveux débouclés » qu’à certain bal qui finit dans une atmosphère très chargée.

Tout n’est pas pur dans les inspirations de Sainte-Beuve. Il y a loin de la petite rivière de l’Ouse, où Cowper promenait ses rêveries d’enfantine volupté et de fine innocence, à la chambre d’étudiant de la rue Monsieur-le-Prince, où bien des convoitises étaient remuées. Le vrai fonds de Sainte-Beuve est acre, trouble, tourmenté.

Il y a dans Joseph Delorme une pièce très singulière que tous les lecteurs ont tour à tour marquée de l’ongle et sur laquelle il faut bien que je m’arrête un instant. Vous devinez que je veux parler des Rayons jaunes. Sainte-Beuve lut un jour dans les lettres de M11’ Volland une observation neuve et féconde comme ce magnanime bavard de Diderot en jeta toute sa vie à tous les vents. Voici ce passage que Sainte-Beuve prit soin lui-même d’indiquer : « Une seule qualité physique peut conduire l’esprit qui s’en occupe à une infinité de choses diverses. Prenons une