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rition. Elle-même se croyait persécutée. On ne sait quels pressentiments lui venaient, mais elle parlait d’elle comme de quelqu’un qui va mourir. Elle se rendait témoignage. Elle disait :

« Dieu a conservé ma vie sans tache. »

Et, comme si elle eût pensé à la devise de Mmo de Beaumont, elle ajoutait :

« Je pourrais prendre pour emblème de ma vie la lune dans un nuage, avec cette devise : Souvent obscurcie, jamais ternie. »

Elle trouva ce mot si triste : « Je me suis délaissée. »

Mais elle ne restait jamais inactive. Elle écrivait des pensées qu’elle jetait ensuite au feu. Puis elle lisait Fénelon et elle copiait ce qu’elle y trouvait selon son cœur ; elle copia ceci :

« Nous retrouverons bientôt ce que nous avons perdu. Nous en approchons tous les jours à grands pas. Encore un peu, et il n’y aura plus de quoi pleurer. C’est nous qui mourons : ce que nous aimons vit et ne mourra point. »

Par une impatience de malade, elle abandonna Rennes et Fougères, pour venir à Paris, dans l’automne de 1804. Elle eût aimé vivre auprès de René, mais elle avait blessé Mme de Chateaubriand en se plaçant trop impérieusement entre elle et René. Ces deux femmes étaient jalouses l’une de l’autre, et elles ne pouvaient se trouver ensemble sans s’aigrir. Son frère lui loua, dans la rue de Caumartin, un appartement dont elle ne voulut pas. Elle alla demeurer aux Dames Saint-Michel, rue du Faubourg-Saint-Jacques. M™" de