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ciliaires étaient incessantes. A chaque coup de marteau de porte, on était dans des transes affreuses. Les alentours du cul-de-sac Férou, les rues Cassette, de Vaugirard, des Fossoyeurs et des Aveugles, peuplées d’ecclésiastiques, étaient particulièrement surveillées ; on y était sans cesse soupçonné et inquiété. Les gardes de la municipalité visitaient les toits, les greniers, les égouts, les cheminées, forçaient les secrétaires et enfonçaient les baïonnettes dans les matelas. Puis ils prenaient leurs aises, buvaient volontiers un verre de vin, parlaient avec bonhomie. C’était interminable. Il y en avait qui ne savaient pas lire et déclaraient tel papier compromettant.

La fuite était difficile. Les barrières, le fleuve, étaient gardés. Pourtant Lucile trouva moyen de gagner la Bretagne. Elle s’enferma dans un couvent de Rennes avec sa belle-sœur. Il y avait eu des massacres dans la province, et la terreur y régnait. Lucile eut pour la jeune femme un dévouement de sœur aînée. A Paris, M. de Malesherbes, Mma la présidente de Rosambeau, sa fille, Mm" la comtesse de Chateaubriand, sa petite-fille, et le comte Chateaubriand, son petit-gendre, furent guillotinés le même jour, sur le même écha-faud. La vieille mère de Lucile fut traînée du fond de la Bretagne dans une prison de Paris. Lucile fut jetée avec la jeune Mme de Chateaubriand dans un cachot de Rennes. Le neuf thermidor les sauva.

Le if thermidor an iv (2 août 1796), Lucile épousa devant la municipalité de Rennes Jacques-Louis-René de Caud, d’ancienne famille bourgeoise, fort notable en sa province. M. de Caud n’était plus