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« C’est l’âge d’or qui renaît, disait-on, nous revenons à la nature. Le fanatisme expire. La tolérance, l’humanité, la paix universelle, vont régner. Restaurons les vertus antiques et les lois de Minos. » La révolution parut. Ceux qui l’avait prédite ne la reconnurent pas.

C’est au fond de la Normandie, dans la verte retraite de Marigny, où Mm8 de Farcy se reposait, que Lucile apprit les nouvelles : le pillage de la maison Réveillon, l’ouverture des États généraux, le serment du Jeu de paume et les premiers travaux de la grande assemblée. Elle revint à Paris, avec toute Ja famille bretonne, au printemps de 1789. L’impatience ou le devoir ramenait cette société dans l’agitation de la ville.

Ils se logèrent dans un hôtel meublé de la rue de Richelieu, près du Palais-Royal. Plus de carrosses dans la ville : on les arrêtait comme aristocratiques : les fiacres avaient seuls le pavé. Partout des queues aux portes grillées des boulangeries. Le pain manquait. Le 14 juillet, Lucile était aux fenêtres avec Mme de Farcy, René et quelques Bretons, quand ils virent venir d’un bout de la rue une troupe hurlante de gens en guenilles ; ils se penchaient pour voir ; ils cherchaient à deviner ce qu’il y avait au-dessus des deux piques qui dominaient cette foule. Ils reconnurent tout à coup deux têtes humaines. C’étaient les têtes de Berthier et de Foulon. Lucile tomba à la renverse.

Les Bretons allèrent s’installer dans un quartier qui semblait devoir rester paisible. Ils louèrent le petit