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s’y attendrissait avec elles. Les sanctuaires, dévastés et restés si longtemps déserts, avaient l’attrait des ruines. Le goût du gothique date de là. Il est si naturel de regretter les choses passées ! Tout ce qui était jeune et rêveur fit comme Chateaubriand, pleura et crut.

La fortune du Génie du Christianisme fut prodigieuse. Le roman à’Atala entrait sans trop d’efforts dans ce livre si agréablement pieux. Il en fut détaché et parut dès 1801 dans le Mercure de France. Le vieux Males-herbes, couché maintenant avec les suppliciés sur un lit de chaux, dans le cimetière de la Madeleine, n’avait pas prévu que son jeune parent rapporterait du Canada un roman catholique.

Atala lui aurait assurément déplu par le langage et par les pensées. « Le Vicaire savoyard, eût-il dit, parle plus naturellement et avec plus de philosophie que votre père Aubry, qui n’est qu’un fanatique. » C’est à peu près ce que les philosophes dirent à ? Atala. Mais ils étaient d’un autre âge. Ils avaient fait la révolution ; c’en était assez, c’en était trop. Ils survivaient à leur œuvre, à eux-mêmes. Chateaubriand avait pour lui les femmes qu’il faisait pleurer et les jeunes hommes qu’il enchantait par la magie d’un style prestigieux, d’une imagination brillante et capiteuse. Il montra dès l’abord cette beauté démesurée, ces défauts éclatants, ces erreurs impérieuses, qui attirent les admirateurs et les disciples en foule.

Si Chateaubriand rapporta Atala de son rapide séjour dans l’Amérique du Nord, il tira du château de Combourg le roman de René. Ce René fut, par un ar-