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veauté. Il sentait l’utilité des voyages, et sur ce point il eut quelque influence sur la destinée de Chateaubriand.

M. de Malesherbes, renvoyé du ministère, avec Turgot, en 1776, parcourut la France, la Hollande et la Suisse, à pied, à la façon vantée par son maître. « Voyager à pied, disait Jean-Jacques, c’est voyager comme Thalès, Platon et Pythagore. J’ai peine à comprendre comment un philosophe peut se résoudre à voyager autrement et s’arracher à l’examen de richesses qu’il foule aux pieds et que la terre prodigue à sa vue. »

M. de Malesherbes, qui était philosophe, ne voyagea pas d’une autre manière. Mais depuis lors, vieilli, retenu en France par l’intérêt du royaume, les habitudes, les travaux, la famille et l’âge, il faisait, de son fauteuil, des navigations au long cours ; il suivait, sur la carte, les itinéraires de Drake, de Bougainville, de Lapérouse. Lapérouse, arrivé à Botany-Bay en 1788, ne donnait plus de nouvelles. D’Entrecasteaux était parti à sa recherche ; le public s’occupait avec anxiété des deux frégates perdues. Un jeune homme de la société de M. de Malesherbes, André Chénier, écrivait ces vers, connus seulement de quelques amis :

J’accuserai les vents et cette mer jalouse
Qui retient, qui, peut-être, a gardé Lapérouse.

Et dans cet amour des grands voyages, dans cet intérêt pour les découvertes des marins, dans cette avidité à lire les relations des navigateurs, il y avait la