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Ion et cette figure d’immortelle ardeur qui, de son bois de myrtes virgiliens, enchante à travers les âges l’élite des adolescents.

Hic, quos durus amor crudeli tabe peredit Secreti celant calles et myrtea circum Silva tegit…

… Phenissa recens a volnere Dido Errabat silva in magna : quam Troïus héros Ut primum juxta stetit adgnovitque per umbras Obscuram, qualem primo qui surgere mense Aut videt aut vidisse putat per nubila lunam…

Heureux qui frisonne aux miracles de cette poésie ! 11 y a au monde un millier, peut-être, de vers comme ceux-là. S’ils périssaient, la terre en deviendrait moins belle.

Mais la vie est un travail, et l’on ne peut contempler toujours. Les cadets de familles malouines se faisaient d’ordinaire marins. René consentit d’abord, puis se refusa brusquement à cette vieille coutume. A dix-neuf ans il prit le coche et alla chercher fortune à Paris. Versailles l’éblouit ; il sentit qu’il était un sauvage à la cour : il fit de sa sauvagerie une attitude ; ce fut la première coquetterie de cet homme qui devait les avoir toutes. II suivit un jour la chasse du roi et ne reparut plus à Versailles. Il lui arriva, à trois ans de là, en 1790, quelque chose de considérable qui lui fit battre le cœur. Une idylle de sa composition et portant sa signature fut insérée dans VAlnénach des Muses : voilà une grande aventure de jeune^le. Cette idylle célébrait Y onde enchanteresse. C’était un morceau dans le goût de Léonard.