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les Vœux d’un solitaire. Ces vœux n’avaient rien de bien précis. Il demandait que le roi gardât la sanction des lois, il réclamait en faveur des paysans dépouillés par l’impôt et des nègres des colonies. Pour le reste il s’en tenait aux lois de Minos. La Bastille était prise, Bailly était maire de Paris, l’Assemblée constituante fonctionnait. Il croyait la révolution finie. Il vaticinait le retour de l’âge d’or et une longue ère de bonheur.

En 1792, il fut nommé, après la mort de Buffon, intendant du Jardin du roi. Ses affaires étaient désormais assurées, il songea à se marier. Hors ses névroses et ses rhumatismes qui donnaient du moins un sujet à ses plaintes constantes, il était sain et portait bien ses cinquante-cinq ans. Il épousa la jeune demoiselle Félicité Didot, de la famille des imprimeurs. Elle avait du goût pour lui, mais c’était presque une enfant. Il fut avec elle, à ce qu’il semble, paternel et sentimental, un peu morose, mais bonhomme au fond. Il menait son idylle pendant la Terreur, qui était venue sans qu’il s’y fût attendu. Il eut deux enfants : un garçon qu’on nomma Paul et une fille qu’on nomma Virginie. Un des effets du nouveau régime fut le pillage du Jardin du roi, devenu Jardin national. Les citoyens, pour exercer leur liberté récente, arrachaient les plantes dans les carrés. Avisé par Bernardin, le ministre invita les citoyens du faubourg Saint-Marceau à faire devant les grilles « une garde fraternelle, la baïonnette au bout du fusil ». Cette fraternité armée rétablit un peu l’ordre. Mais l’intendance fut supprimée.

En 1793, Bernardin sollicita le gouvernement révo-