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par des privations de tout genre, par une sensibilité exquise qui nous rend malheureux en dedans. » Mais cet enfant aime, et son amour est pur et sain comme un parfum des bois. Virginie est une belle demoiselle, mais une véritable ardeur est en elle et ses yeux bleus sont marbrés de noir. Sa vertu délicate n’est pas de celles qui fleurissent sans culture dans les champs. Elle meurt pour ne pas se montrer nue. Cette pudeur est une des fleurs les plus fines de cet arbre que nous montre Diderot, de l’arbre de la morale, « où les vertus les plus légères, s’il en est de telles, sont attachées comme des feuilles au rameau qu’on déshonore en l’en dépoujllant ».

Comment se souvenir encore de tout ce que le donjon de la rue Saint-Ëtienne renferma d’absurde ou d’injuste ? Comment ne pas oublier les misères de l’homme quand cet homme a tiré de lui deux figures à jamais charmantes ? N’eût-il jamais aimé que sa Virginie, il aima, il fut bon ; il charme encore le monde.

Bernardin, désormais célèbre, pourvu d’un peu d’argent, quitta son donjon. Son rêve avait été de se faire un hermitage. Il acheta au fond d’un quartier perdu, dans la rue de la Reine-Blanche, proche la barrière des Gobelins, une petite maison avec un jardin, qu’il paya cinq mille livres, sans compter les lods de vente, deniers royaux et réparations. Il fit blanchir les murs à la chaux et mettre des jalousies aux fenêtres et dessina trois carrés dans le jardin : un pour les fleurs, un autre pour les légumes et le troisième pour les arbres fruitiers.

Les lettres, les visites abondèrent dans cet henni-