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tituait professeur de déisme. Fénelon avait voulu prouver l’existence de Dieu par le spectacle du ciel et des prairies. Bernardin s’ingéniait à prouver Dieu au moyen des coléoptères, des madrépores et des bourgeons. Il exposait le plan divin par le menu avec un infatigable attendrissement et des lumières constantes. Il faisait éclater la sagesse divine sur la peau huileuse des nègres. La Providence lui était démontrée par le seul fait que les animaux, ne sachant pas allumer de feu, ne risquent point de se griller entre eux dans les bois. Il donnait la raison de toutes choses, et entrait fort avant dans l’exposé des causes finales. On apprenait avec lui que les dattes ne poussent aux palmiers que dans l’intention d’être mangées. Bien que Buffon, dans son livre des Époques, publié depuis six ans, eût donné une idée des forces cosmiques, Bernardin voulait que le monde eût été créé d’un coup, avec des chênes séculaires, des volcans éteints et des coquilles marines au sommet des montagnes. Ce fut sa fortune. Tous les déistes allèrent à lui. Le clergé même lui fit des avances et pensa un moment se l’attacher. Bernardin, dans sa candeur, eût bien accepté une pension de l’Église, mais les évêques, ayant un peu réfléchi, comprirent qu’il eût valu autant avouer Jean-Jacques et le Vicaire savoyard.

En 1788, il joignit aux Études de la nature un petit roman pastoral, une sorte de Daphnis et Chloé moderne, une idylle toute suave qu’il nomma Taul et Virginie, et c’était l’histoire de deux enfants. 11 avait lu Paul et Virginie chez M. Necker, alors ministre et fort populaire parce qu’il faisait des finances senti-