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<t Voulez-vous, écrivait-il, entendre des passions et des sentiments sortir du sein des rochers ? Qu’au milieu de cet écueil s’élève le tombeau d’un homme vertueux et infortuné, et qu’on y lise ces mots : Ici repose J.-J. Rousseau, s II faisait aussi le tombeau de Philoctète, mort, <c abandonné des Grecs qu’il avait servis ».

Puis, ces études qu’il avait faites sans instruments, loin des cabinets d’histoire naturelle, des laboratoires et des bibliothèques, chacun pouvait les suivre et les refaire pour son agrément. Les amoureux, en se promenant ensemble dans un parc, se remémoraient les beaux endroits du livre sans se distraire de leur amour. Bernardin montrait tout un monde dans son fraisier de la rue Saint-Etienne-du-Mont. Quel charme ! Désormais toute personne sensible pouvait contempler, en robe de chambre ou en pierrot, une merveille de Dieu sur sa fenêtre.

Il y avait dans ce livre nouveau une science plus plaisante aux femmes que celle de l’Encyclopédie, des systèmes faciles à développer et des nouveautés amusantes. Bernardin vantait l’ignorance et toutes ses douceurs : il se disait lui-même un ignorant, et il édifiait les théories les plus hasardeuses. Il attribuait les marées à la fusion mensuelle des neiges polaires, et la fusion de ces neiges à la chaleur de la lune. II ne voulait pas que la terre fut aplatie aux pôles ; il ne croyait pas à l’attraction. Il sembla piquant, dans les salons, d’être avec lui contre Maupertuis et contre Newton.

Enfin il était déiste. Naturellement religieux, il s’ins-