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vaisseau fut arrêté par le calme, en vue des côtes de Sicile, dans une mer où la coque risquait de toucher le fond. Puis le vent, la pluie, la foudre, les lames fondirent sur lui. Il donnait de la bande et ne gouvernait plus. Le lendemain, la mer était belle et bientôt on découvrit les côtes de Provence. Saint-Pierre pleura en voyant des oliviers. Il se rendit à Paris et prit une chambre dans cette rue des Maçons où Jean Racine avait autrefois logé avec sa femme et ses enfants. Il fit des visites, écrivit des lettres, sollicita de toutes les manières. En vain. Il envoya un mémoire au ministre pour lui proposer d’aller seul en barque lever le plan de toutes les côtes d’Angleterre. Naturellement on n’y prit pas garde. Son hôtesse menaçait de le renvoyer et le boulanger ne voulait plus lui vendre de pain. Comme il désespérait d’être jamais un ingénieur du roi, l’idée le reprit de fonder une république, de devenir un Orphée et d’établir sur les bords du lac Aral la police du Télémaque. À cet effet, il emprunta quelques louis, vendit ses habits, prit avec peu de bagage la diligence de Bruxelles et s’arrêta à la Haye,

11 alla voir, dans cette ville, l’ambassadeur de Hanovre, le vieux baron de Sparken, à qui il remit une lettre de recommandation. Mais il se trouva que le baron, occupé alors à rechercher la pierre philosophale, ne connaissait en aucune sorte la personne qui avait signé cette lettre. Le chevalier, congédié par le baron, qui le soupçonnait d’être alchimiste et de faire de l’or sans vouloir le dire, était, en fait, réduit au plus entier dénuement. Dans son embarras, il errait