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On pourroit dire : Il l’estime sans cesse,
Pource que c’est sa Dame et sa Princesse.
Mais on sçait bien si je dy vray ou non.
Bref, il ne fut en louable renom
Depuis mille ans une telle duchesse,
Sans rien blasmer.


Marguerite était poète ; elle rimait des mystères et des farces, dans le goût, un peu vieilli dès lors, d’Alain Chartier et d’Eustache Deschamps. Elle allégori-sait à force et faisait parler les Vertus et les Vices à la mode de sa grand’mère. Cependant elle était poète en somme, et parfois elle rendit avec un naturel charmant les sentiments de sa belle âme.

La chanson qu’elle fit « étant dans sa litière, durant la maladie du roi », a l’élan de la passion :

<poem> Ô ! qu’il sera le bienvenu, Celui qui frappant à ma porte Dira : « Le Roi est revenu, En sa santé très bonne et forte ! » Alors sa sœur, plus mal que morte, Courra baiser le messager Qui telles nouvelles apporte, Que son frère est hors de danger[1].

Marot ne manque pas de louer les poésies de sa dame. Mais il n’y a, selon lui, qu’à entendre parler

  1. Les poésies de Marguerite, recueillies par son valet de chambre Simon de la Haye, furent imprimées à Lyon, en 1547, sous ce titre : Les Marguerites de la Marguerite des princesses, très illustre Royne de Navarre. L’édition moderne que M. Félix Frank en a donnée est précédée d’une notice dont j’ai parlé. J’y reviens, parce que l’éditeur, qui est poète, a très bien senti, ce me semble, le talent poétique de Marguerite.