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comme il lui était impossible de prouver cette origine, il la proclamait avec violence. Il avait peu de bien. Henri-Bernardin était l’aîné de deux frères et d’une sœur. Il fut élevé avec quelque mollesse et un peu à l’aventure par une mère pieuse, simple, et qui devait mourir jeune. Henri-Bernardin était un enfant sensible, ombrageux, tranquille, mais non pas très docile. A huit ans il cultivait un petit jardin. Il aimait les animaux, pleurait de leurs souffrances, les soulageait comme il pouvait. Ce goût des bêtes qu’on n’a guère que dans les grandes villes, il le nourrissait avec une ardeur attendrie. Il n’avait pas neuf ans quand son père l’emmena à Rouen et lui montra la flèche de la cathédrale. — « Comme elles volent haut ! » dit l’enfant, qui ne voyait que les hirondelles. Dans sa neuvième année, il s’exalta à lire dans un gros volume les vies des Pères du Désert.

Un matin qu’il avait quelque raison de craindre d’être fouetté à l’école, il s’en alla dans la campagne, avec son déjeuner dans son panier. Il marcha jusqu’à l’orée d’un petit bois qu’il jugea être un désert, et il résolut d’y vivre en ermite, à l’exemple des saints Paul et Jérôme. Il comptait bien que Dieu lui enverrait le lendemain des vivres par un corbeau. Une servante qui courait en larmes le trouva dans son bois, le soir, quand déjà les oiseaux étaient couchés.

On le mit en pension à Caen, chez un curé qui instruisait des enfants dans un joli presbytère, aux portes de la ville. Ce qu’Henri-Bernardin y accomplit de plus remarquable fut de dérober très ingénieusement des figues dans un verger gardé par deux