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jurer ; il veut les prévenir par le jeûne, le fouet, le cilice. En vain. Il s’alarme, il se trouble quand vient le soir. Les hymnes du bréviaire expriment cette angoisse. À l’heure de vêpres, quand le soleil décline, les moines supplient ensemble le ciel, dont la lumière visible les abandonne, de leur épargner les tentations de la nuit.


Repelle a servis tuis
Quidquid per immunditiam
Aut moribus se suggerit,
Aut actibus se interserit.


Ces prières ont-elles été entendues ? Non. Les moines se réveillent le lendemain pleins de honte et de dégoût ; ils ont hâte de secouer le coupable sommeil. « Que la pureté revienne ! » C’est le premier souhait, à l’heure de matines :


Ne corpus adsit sordidum.


L’aube seule a pu mettre en fuite l’escadron de l’enfer, caterva damonum. Trempés dans la première fraîcheur, dans la première clarté du jour, les religieux chantent l’hymne des laudes :


Aurora jam spargit pelum,
Terris dies illabitur,
Lucis résultat spiculum :
Discedat omne lubricum,
Phantasma noctis discedat.


Ils secouent les fantômes de l’ombre, mais les fantômes reviendront avec l’ombre.