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grâce que Pascal. Boileau, après avoir lu le manuscrit de la seconde lettre contre Port-Royal alors persécuté, dit à son ami : « Cela est fort joliment écrit, mais vous ne songez pas que vous écrivez contre les plus honnêtes gens du monde. » Racine ne fit point imprimer cette seconde lettre. Il obéissait dans la conduite de la vie à Boileau, qui agissait d’après des maximes fortes et simples. Boileau avait aussi sur lui une grande influence dans les choses de la poésie. Boileau ne possédait qu’un petit nombre d’idées, mais très nettes et d’une application facile. C’est là un grand avantage pour conduire les esprits. Les hommes d’une intelligence très vaste s’embarrassent dans des complexités infinies, se perdent et se retrouvent, hésitent : ils ont appris à douter. Eux-mêmes suivent à certains moments les esprits plus vulgaires qui ne se sont jamais troublés.

Andromaque fut représentée pour la première fois à l’hôtel de Bourgogne, en novembre 1667. Mme de Sé-vigné, qui n’aimait pas Racine, pleura. Le poète recueillit comme une perle inestimable une larme tombée des beaux yeux d’Henriette d’Angleterre. Le public fut attentif à cette tragédie. « Cuisinier, cocher, palefrenier, laquais et jusqu’à la porteuse d’eau, il n’y eut personne qui ne voulût discourir A’Andromaque1. i>

A cette époque Racine fréquentait encore le Mouton Blanc. C’est du cabaret de la place du cimetière Saint-Jean que sortirent les Plaideurs. Il venait de perdre on ne sait quel procès « que ses juges ni

1. Subligny, Préface de la Folle querelle.

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