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dit-il, sont de vraie eau-forte pour moi ; vous savez tous les ingrédients qu’elle y fait mettre. Donnez-moi plutôt un petit morceau de fromage de Parmesan. »

La Forest sa servante, lui en apporta ; Molière en mangea avec un peu de pain. Puis il se fit mettre au lit.

Il y était depuis un moment quand il envoya demander à sa femme un oreiller rempli d’une drogue qu’elle lui avait promis pour le faire dormir. « Tout ce qui n’entre pas dans le corps, dit-il, je l’éprouve volontiers. Mais les remèdes qu’il faut prendre me font peur. Il ne faut rien pour me faire perdre ce qu’il me reste de vie. » Un instant après, il lui prit une toux extrêmement forte, et, après avoir craché, il demanda de la lumière. « Voici, dit-il, du changement. » Baron, voyait le sang vomi, poussa un cri de frayeur. « Ne vous épouvantez pas, lui dit Molière. Vous m’en avez vu rendre bien davantage. Cependant, ajouta-t-il, allez dire à ma femme qu’elle monte. »

Baron alla chercher Mlle Molière. Et Molière resta assisté de deux religieuses.

« C’était, dit Grimarest, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter pendant le carême et auxquelles il donnoit l’hospitalité. Elle lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvoit attendre de leur charité, et i ! leur fit paroître tous les sentiments d’un bon chrétien et toute la résignation qu’il devoit à la volonté du Seigneur. Enfin il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang, qui sortoit par sa bouche en abondance, l’étouffa. Ainsi, quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. »