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Elle était dans l’aube de la vie quand l’aube de la Renaissance se leva avec un incomparable éclat. « La lumière et dignité » étaient rendues aux lettres. Le monde était plein de « gens sçavans, de précepteurs très doctes, de librairies très amples. Les femmes et filles aspiroient à cette louange de bonne doctrine[1]. »

Marguerite eut pour précepteur Robert Hurault, archidiacre et abbé de Saint-Martin d’Autun. Le Canosse lui donna des leçons d’hébreu. L’hébreu était tenu alors pour la clef de la philosophie. Les thèses de Pic de la Mirandole sur la Kabbale et le traité de Reuchlin de Verbo mirifico montraient en ces Juifs chassés d’Espagne, méprisés, vexés, torturés dans toute la chrétienté, humbles, misérables, les docteurs de toute science. Marguerite prit au moins quelque idée de cette langue antique qui seule, disaient les doctes, nommait le vrai nom de Dieu.

Son enfance avait vu les premiers et grossiers miracles de l’imprimerie : les psaultiers et les romans en lettres de formes, lettres de sommes, lettres de saint Pierre, tous caractères gothiques et allemands.

Dans sa jeunesse, les belles éditions d’Aide Manuce imprimées en lettres italiques, dites vénitiennes, multiplièrent les chefs-d’œuvre de l’antiquité. « Les impressions tant élégantes et correctes » étaient inventées en cet âge « par inspiration divine, comme à contrefil

  1. Rabelais, loc. cit.