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Donneau de Visé, dans sa comédie de Zélinde[1], qui ne fut pas représentée, et dans la Critique de la Critique, répliqua comme il put. Boursault écrivit le Portrait du Peintre. Il faut excuser la témérité d’un auteur de vingt-cinq ans. Le Portrait du Peintre fut représenté à l’hôtel de Bourgogne. Molière l’alla voir jouer et se tint hardiment en face de son portrait. À un curieux qui lui demanda ce qu’il en pensait il répondit, à ce que l’on rapporte, par ce vers de l’École des Femmes :


        Moi j’en ris tout autant que je puis.

Pourtant il répliqua par l’Impromptu, joué vers la mi-octobre. Il prit grand soin d’annoncer, dans la pièce même, qu’il l’avait composée par ordre du roi. Il mettait ainsi Louis au nombre de ses défenseurs. Dans le fait Louis fut content de l’Impromptu, puisqu’on trouve sur la liste des pensions de 1663 : « Au sieur Molière, excellent poète comique, mille francs. »



  1. Voici un endroit de Zèlinie où Molière est peint sous le nom d’Élomire :
    « Depuis que je suis descendu, Élomire n’a pas dit une parole. Je l’ai trouvé appuyé sur une boutique dans la posture d’un homme qui rêve. Il tenoit les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandoient des dentelles ; il paraissoit attentif à leurs discours, et il sembloit par le mouvement de ses yeux qu’il regardoit jusques au fond de leurs âmes pour y voir ce qu’elles ne disoient pas. Je crois même qu’il avoit des tablettes, et qu’à la faveur de son manteau il a écrit sans être aperçu ce qu’elles ont dit de plus remarquable… C’est un dangereux personnage : il y en a qui ne vont pas sans leurs mains ; mais l’on peut dire de lui qu’il ne va pas sans ses yeux ni sans ses oreilles… »
    Zélinde, acte V.