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souvent que la comédie, n’attira guère de spectateurs à la porte de Nesle. Les sociétaires, attribuant leur mauvais succès à la situation de leur salle trop éloignée des quartiers bourgeois, en louèrent une autre, mieux avoisinée, sur le port Saint-Paul, à l’enseigne de la Croix-Noire. La malchance les y suivit. Dans le théâtre vide, les tréteaux s’affaissaient sous les dettes. Molière, qui répondait de tout en qualité de directeur, fut poursuivi en payement d’une somme de cent quarante-deux livres, somme d’ailleurs contestée. Toutefois, faute de la payer, Molière, à la requête du maître chandelier Fausser, fut mis dans la prison du Châtelet, mais il ne tarda pas à en sortir, grâce à la caution du sieur Léonard Aubry, paveur du roi[1].

Les infortunés débris de l’Illustre-Théâtre s’allèrent fondre dans la troupe qu’à cette heure le duc d’Epernon emmenait dans son gouvernement de Guyenne.

Tantôt dans son château de Cadillac, sur la Garonne, tantôt à Agen, le duc donnait la comédie à sa cour. La duchesse assistait aux représentations, mais c’est pour Nanon de Lartigue qu’on allumait les chandelles. En 1650, les troubles de Bordeaux chassèrent le duc d’Epernon de son gouvernement. Dès lors ses comédiens eurent tout loisir de courir les foires et les réunions des États. Il est difficile de les suivre dans leur vie errante. On trouve Molière à Nantes au mois d’avril de 1648. On sait qu’il passa à Vienne en Dauphiné, mais on ignore à quelle date.

En 1653, il est à Lyon, et en cette même année il


  1. Recherches sur Molière, pp. 185-190.