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jours avec vos boucles blondes et votre capote rose.

Un miroir ! un miroir ! un miroir ! En vérité je serais curieux d’observer la mine que j’ai sous mes mèches blanches, en soupirant aux étoiles le nom de Clémentine. Toutefois, il ne convient pas d’achever dans une pensée de stérile ironie ce qui fut commencé avec un esprit de foi et d’amour. Clémentine, si par cette belle nuit votre nom m’est venu aux lèvres, que votre nom soit béni, et puissiez-vous, heureuse mère, heureuse aïeule, vous rassasier jusqu’au bout, au bras de votre riche époux, du bonheur que vous avez jugé, en toute liberté, ne pouvoir goûter auprès du jeune et pauvre savant qui vous aimait ! Si, malgré que je ne le puisse imaginer, vos cheveux ont blanchi, Clémentine, portez dignement le trousseau de clefs que Noël Alexandre vous a confié et enseignez à vos petits-enfants les vertus domestiques !

La belle nuit ! Elle règne dans une noble langueur sur les hommes et les bêtes qu’elle a déliés du joug quotidien, et j’éprouve sa bienfaisante influence, bien que, par une habitude de soixante ans, je ne sente plus les choses que par les signes