Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

On vendit d’abord, à des prix médiocres, une suite assez banale de Preces piæ avec miniatures. Il est inutile de dire que ces miniatures étaient d’une entière fraîcheur.

L’humilité des enchères encouragea la troupe des petits brocanteurs, qui se mêlèrent à nous et devinrent familiers. Les chaudronniers vinrent à leur tour, en attendant que les portes d’une salle voisine fussent ouvertes, et les plaisanteries auvergnates couvrirent la voix du crieur.

Un magnifique codex de la Guerre des Juifs ranima l’attention. Il fut longuement disputé. « Cinq mille francs, cinq mille, » annonçait le crieur au milieu du silence des chaudronniers saisis d’admiration. Sept ou huit antiphonaires nous firent retomber dans les bas prix. Une grosse revendeuse en taille et en cheveux, encouragée par la grandeur du livre et la modicité de l’enchère, se fit adjuger un de ces antiphonaires à trente francs.

Enfin, l’expert Polizzi annonça le no 42 : La Légende dorée, manuscrit français, inédit, deux superbes miniatures, 3, 000 fr. marchand.

— Trois mille ! trois mille ! glapit le crieur.

— Trois mille, reprit sèchement le commissaire-priseur.