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Éternellement indifférente, la nature amena sans hâte ni retard la journée du 24 décembre. Je me rendis à l’hôtel Bullion, et je pris place dans la salle no 4, au pied même du bureau où devaient siéger le commissaire-priseur Boulouze et l’expert Polizzi. Je vis la salle se garnir peu à peu de figures à moi connues. Je serrai la main à quelques vieux libraires des quais ; mais la prudence, que tout grand intérêt inspire aux plus confiants, me fit taire la raison de ma présence insolite dans une des salles de l’hôtel Bullion. Par contre, je questionnai ces messieurs sur l’intérêt qu’ils pouvaient prendre à la vente Polizzi, et j’eus la satisfaction de les entendre parler de tout autre article que le mien.

La salle se remplit lentement d’intéressés et de curieux, et après une demi-heure de retard le commissaire-priseur armé de son marteau d’ivoire, le clerc chargé de bordereaux, l’expert avec son catalogue et le crieur muni d’une sébile fixée au bout d’une perche, prirent place sur l’estrade avec une solennité bourgeoise. Les garçons de salle se rangèrent au pied du bureau. L’officier ministériel ayant annoncé que la vente était commencée, il se fit un demi-silence.