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chères, à l’hôtel des Ventes, avec d’autres manuscrits et quelques incunables.

Ce fut un rude coup pour moi. Je m’efforçai de me remettre et je pus répondre à peu près ceci :

— Vous me surprenez, monsieur. Votre père, que je vis récemment à Girgenti, m’affirma que vous étiez possesseur de ce manuscrit. Il ne vous appartiendra pas de me faire douter de la parole de monsieur votre père.

— Je l’étais en effet, me répondit Rafaël avec une simplicité parfaite, mais je ne le suis plus. J’ai vendu ce manuscrit, dont l’intérêt puissant ne vous a pas échappé, à un amateur qu’il m’est défendu de nommer et qui, pour des raisons que je dois taire, se voit obligé de vendre sa collection. Honoré de la confiance de mon client, je fus chargé par lui de dresser le catalogue et de diriger la vente, qui aura lieu le 24 décembre prochain. Si vous voulez bien me donner votre adresse, j’aurai l’honneur de vous faire envoyer le catalogue qui est sous presse, et dans lequel vous trouverez la Légende dorée décrite sous le numéro 42.

Je donnai mon adresse et sortis.

La décente gravité du fils me déplaisait à l’égal de l’impudente mimique du père. Je détestai dans