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inestimables additions du moine de Saint-Germain-des-Prés y figuraient. C’était le grand point ! Je voulus lire la légende de saint Droctovée ; je ne pus ; je lisais toutes les lignes à la fois et ma tête faisait le bruit d’un moulin à eau, la nuit, dans la campagne. Je reconnus cependant que le manuscrit présentait les caractères de la plus indéniable authenticité. Les deux figures de la Purification de la Vierge et du Couronnement de Proserpine étaient maigres de dessin et criardes de couleur. Fort endommagées en 1824, comme l’attestait le catalogue de sir Thomas, elles avaient repris depuis lors une fraîcheur nouvelle. Ce miracle ne me surprit guère. Et que m’importaient d’ailleurs les deux miniatures ! les légendes et le poème d’Alexandre, c’était là le trésor. J’en prenais du regard tout ce que mes yeux pouvaient en contenir.

J’affectai un air indifférent pour demander à M. Rafaël le prix de ce manuscrit et je faisais des vœux, en attendant sa réponse, pour que ce prix ne dépassât pas mon épargne, déjà fort diminuée par un voyage coûteux. M. Polizzi me répondit qu’il ne pouvait disposer de cet objet qui ne lui appartenait plus, et qui devait être mis aux en-